Le maquis de Plainville

La situation sanitaire le permettant désormais, une visite guidée et commentée est proposée le dimanche 13 juin 2021 entre 15h et 18h. Rendez-vous sur place.

 

Situé sur la commune de Marolles-les-Buis, en bordure de celles de Saint-Denis d’Authou (aujourd’hui commune nouvelle de Saintigny, suite à sa fusion avec Frétigny) et de Coudreceau (aujourd’hui commune nouvelle d’Arcisses, suite à sa fusion avec Margon et Brunelles).

On y accède en venant de ces villages, ou de Frétigny ou Marolles par différentes voies.

Mais en 1944, ce ne sont que de mauvaises routes ou chemins à peine pierrés, le plus souvent en forte pente et boisés, ce qui en fait l’un des endroits les plus sauvages de notre département. Quelques fermes y existent, dont deux dans le hameau de Plainville. Partant de ce lieu, un chemin de terre, le seul où un véhicule peut passer, conduit au bois où le maquis est installé, bois très touffu avec au sud et à l’est une pente à 30%, aux trois quarts de laquelle s’ouvrent les anciennes carrières souterraines. A l’ouest, un ruisseau,  La Vinette, fournit une eau claire pour la boisson et la toilette. Plus loin, la ferme de Saint Hilaire où se fait la cuisine, et une chapelle où l’Abbé Jaquin vient dire la messe pour les croyants.

 

Ce lieu est choisi depuis plusieurs mois, et après bien des investigations dans toute la région, pour son isolement, sa configuration géographique, son éloignement des centres d’activité et de passage, ses nombreux défilés pour les aller et retour des missions. Mais Plainville avait été choisi pour une autre raison : l’environnement humain.

 

Le 15 juillet 1943, c’est le premier parachutage d’armes et d’explosifs dans le secteur de Thiron-Gardais. Le deuxième a lieu le 15 août, le troisième le 26 novembre. Six tonnes de matériels divers tombent du ciel. Il en arrive beaucoup plus après le débarquement. Equipés, armés, les résistants peuvent commencer à harceler l’ennemi.

 

Les actions

 

Une soixantaine d’actions seront menées à partir de Plainville. Les plus importantes qui sont demandées sont le sabotage des voies de communication ferroviaires et téléphoniques de l’ennemi, en l’occurrence la ligne ferroviaire PARIS-BREST et le câble téléphonique du même nom.

Toutes les nuits, une équipe ou deux, de six à dix hommes selon l’importance de la mission, part. En moins de deux mois, c’est plus de soixante opérations qui ont lieu : attaques de petits convois, coupures de rail, sabotages divers. Signalons les plus importantes :

  • La destruction d’un pont sur la ligne Paris-Brest, entre Bretoncelles et La Loupe ;
  • Trois fois, et la dernière en plein jour, la capture d’un camion allemand, le tout amené au maquis ;
  • La destruction du pont de Courtemiche entre La Loupe et Pontgouin
  • La destruction du pont des Abattoirs à Nogent-le-Rotrou, et d’une grosse locomotive garée à Nogent ;
  • La ligne téléphonique souterraine Paris-Brest est détruite à onze reprises entre Montlandon et Le Theil.

 

Quand, au soir du 9 août 1944, les maquisards quittent leur cantonnement pour se rapprocher de Nogent-le-Rotrou dont l’attaque est prévue pour le 11, ils sont cent cinquante. Dix restent au maquis pour le garder, ainsi que les stocks. Il s’agit des plus âgés et des dernières recrues.

C’est donc cent soixante bouches qu’il faut nourrir, avec beaucoup de jeunes qui ont bon appétit.

Comment faire pour assurer la subsistance de tout ce monde et ceci pendant près de deux mois sans avoir autour de soi le soutien indispensable d’une bonne partie de la population environnante ? Et bien c’est simple, tout ou presque est fourni par les habitants des environs : viande d’animaux vendus par des cultivateurs et tués sur place (il y a deux bouchers parmi les maquisards). Les maquisards tiennent à régler tous leurs achats. Ceux d’épicerie et de pain se font à Thiron et Chassant. Divers stocks sont également amassés ici et là. Légumes et barriques de cidre proviennent des fermes. La cuisine est faite à la ferme de Saint Hilaire du Noyer, à 500 mètres, et la pitance est transportée au maquis dans de grands bidons de lait. Les maquisards n’ont jamais manqué de nourriture, grâce aux bonnes volontés dévouées, dont beaucoup d’ailleurs sont parmi les amis de bon nombre des maquisards, particulièrement des responsables.

 

Il y a ensuite la libération de Nogent, le 11 août 1944, trois jours avant l’arrivée des Américains, puis Chartres, aux Trois-Ponts, à la Canée, et dans la plaine vers Thivars et à Marboué. Dans tous ces combats, nos maquisards laissent des morts et des blessés.

Une partie est ensuite regroupée avec d’autres unités pour la marche sur Paris où ils arrivent à peu près en même temps que la division Leclerc, prenant part à la lutte autour du Luxembourg et dans le 5e arrondissement. Ce sont les gars de Plainville qui, accompagnés depuis Chartres par le Général Martial Vallin et par le Colonel Gaujours, hissent le drapeau tricolore au ministère de l’Air.

Fin août, c’est la courte campagne sur la Loire, Beaugency, Orléans, Briare Cosne et jusqu’au Menau dans la Nièvre où, là encore, ils sont en pointe. De retour à Nogent, la moitié au moins des résistants de Plainville signe son engagement pour la durée de la guerre. La « Résistance » prend fin.

 

LONGTEMPS APRES…

 

Les maquisards de Plainville gardent le souvenir de la plus belle époque de leur vie. Malgré les dangers, malgré la fatigue procurée par les longues nuits de trente à quarante kilomètres, une bonne humeur et une grande solidarité y règne dans un respect mutuel des idées et des croyances. Il y a de tout à Plainville : des francs-maçons, des juifs, des chrétiens, des croyants et des athées, des garçons de gauche, d’autres de droite, des indifférents, mais au maquis tous sont égaux et soumis au même régime, la politique n’a pas droit de cité. Hélas, ce n’est pas toujours le cas par la suite.

 

Plainville !  Que de souvenirs ! Que d’émotions ne nous as-tu pas fait ressentir quand le retour d’une équipe tarde et nous fait craindre le pire ! Mais quelles satisfactions aussi quand les actions réussies nous rendent confiance pour celles à venir !

 

UN SITE PRIVE AVANT DE DEVENIR PUBLIC

 

Le site de Plainville auquel restent attachés tous ceux qui y vécurent, avait, jusqu’en 1988, la particularité d’être propriété privée. Le propriétaire des terres, à la fin de la guerre, avait pris l’engagement écrit de laisser l’accès au maquis libre pour les visiteurs. Engagement tenu et renouvelé par le propriétaire suivant. Au moment d’une nouvelle transaction, risquant de compromettre la libre circulation jusqu’à la stèle, les anciens résistants ont demandé que le site, soit deux hectares et demi, tombe dans le domaine public de la commune de Marolles-les-Buis. Ce qui fut fait en octobre 1989, grâce à une subvention accordée par le Conseil Général. La symbolique de la cérémonie d’inauguration du 10 septembre 1990 s’articule autour d’un principe simple :

« NE PAS PLIER ».

Tel est bien l’exemple que donnent les Anciens de Plainville, qui y reviennent à chaque fois avec beaucoup d’émotion. Ils sont maintenant assurés que le site est entretenu et reste libre d’accès. Normal, la liberté a été le sens de leur combat.